Ne trouvant pas de jeu de mot décent pour Chicago, Illinois le poisson…

Pour la suite du voyage, nous avons opté pour un mode de transport écologiquement responsable, modérément rapide et assez super confortable, j’ai nommé la cabine-couchette ! Il faut savoir qu’à bord de certains trains Amtrak (la SNCF américaine, retards inclus), et en particulier ceux qui sont sensé durer 19h, la distinction entre première et deuxième classe se fait sur l’état de votre dos à la fin du trajet. Si vous avez les moyens, vous opterez pour le « sleeper », cabine vous permettant de vous allonger complètement pendant la nuit (1). Si non, vous vous orienterez plus vers le « coach », où les voyageurs dorment assis, mais disposent quand même d’une place suffisante pour étendre leurs pieds (2). Avec le pinpin, la catégorie « coach » était clairement impossible (3), mais le « City of New-Orleans », liaison régulière entre NOLA et Chicago, possède des cabines-couchettes spacieuses et bien équipées (ce qui n’est pas toujours le cas…). Tiens d’ailleurs, petit point info :
!!! MESSAGE A CARACTERE BEBE-VOYAGEUR-FORMATIF !!!
Même si les cabines-couchettes sont bien équipées, il n’y a rien pour faire chauffer les petits pots ou les biberons, même au wagon-restaurant, donc prévoyez un chauffe-bib’ (les cabines sont équipées de 3-4 prises électriques). De même, impossible d’étendre un lit-parapluie, donc prévoyez de dormir avec votre petit bout qui prendra toute la place. Il y a assez de place pour étendre les jambes et laisser gambader le gamin, mais il y beaucoup d’endroits exigus où les jouets peuvent rouler et devenir compliqués à rattraper. Bien sûr, pas de chaise haute non plus mais le troisième siège des cabines-couchettes est parfait pour une chaise haute nomade.
(1) Et dans la catégorie « sleeper », vous trouverez deux types de cabine : celles pour deux personnes (roomette) et celles pour trois personnes (bedroom), qui a un vrai lit deux places en bas.
(2) Si vous voulez avoir un aperçu, c’est à peu près équivalent à ce que nous avions pris lorsque nous avions traversé l’Australie d’est en ouest
(3) D’ailleurs, ayant été mal orientés à l’arrivée sur le quai, nous sommes montés, nous, Pinpin et tout notre barda, dans un wagon « coach » et avons commencé à déballer nos affaire sous le regard horrifié d’un petit couple assis juste derrière qui commençait à entrevoir l’enfer d’un voyage de 19h avec un bébé manifestement dopé aux amphétamines.
Le train possède un wagon panoramique (4) qui vaut la peine d’être vu et un wagon-restaurant où il n’est pas trop douloureux de manger (encore que…). Simplement, n’imaginez pas pouvoir goûter un café digne de ce nom (avertissement qui vaut sur l’ensemble du territoire des Etats-Unis d’ailleurs).
(4) Où vous verrez d’ailleurs que la majorité des sièges sont occupés par des gens qui chargent leur portable en jouant à des jeux vidéos à la con, histoire de ne PAS profiter de la vue panoramique… Un peu comme des gens qui paieraient leur entrée dans un musée pour se coller devant les panneaux et scroller leur facebook… oh wait…
La nuit fut de catégorie « apocalypse nooooooooooooooooooooooooooooooo », avec un Pinpin qui a passé la nuit moitié à gesticuler comme un malade de Saint-Guy, moitié à tétouiller une maman au bord du suicide par absorption de café américain (5). Mais au réveil, mazette ! Fini les paysages humides et boueux des bayous de Louisiane, bonjour les paysages humides et gelés des plaines des Grands Lacs ! Et sous la blême lumière matinale, sirotant l’ersatz d’eau boueuse qu’ils osent appeler café, essayant tant bien que mal d’empêcher Pinpin de monter sur toutes les tables du wagon-restaurant, nous avons pu apprécier notre premier lever de soleil enneigé du voyage.
(5) Une mort lente, douloureuse et gustativement très décevante…

 

 

Il va sans dire qu’on a pelé nos mères bien bien bien bien bien à peine descendus du train (6). Mais nous avions prévu manteaux de ski, pulls en laine, chaussettes rembourrées et 74kg de bagages par personne, ce qui a un peu aidé à réchauffer nos petits corps le temps (long, trèèèèèèès long) de récupérer nos bagages au drop-off (7).
(6) D’ailleurs, si vous avez des problèmes de mobilité ou si vous êtes une grosse bouse feignante, des voiturettes bousculent les piétons sur les quais pour aller chercher les vieux et les obèses (voire les deux ensemble, pour ceux qui survivent) et les déposer directement 50m plus loin, à l’entrée de la gare… Au moins vous subirez un peu moins longtemps le froid mordant du Chicago hivernal.
(7) Oui, parce que j’ai oublié de préciser : dans le « City Of New-Orleans », comme dans pas mal d’autres trains Amtrak, les gros bagages partent en soute et doivent donc passer par un check-in une heure avant le départ, comme en avion.
Nous avons ensuite remonté le Loop (8) jusqu’à notre hôtel pour nous reposer quelques minutes avant de repartir fissa profiter de la magnifique luminosité que nous offrait un ciel radieux et un air aussi sec que glacial. Direction, le Magnificent Mile. Cette partie de la ville, morceau de Michigan avenue comprise entre la statue de Jean-Baptiste Pointe du Sable (9) et Oak Street, est un must-see de Chicago, en tout cas selon les guides. Elle est sensé être un haut lieu du shopping et être richement décorée pour Noël. De notre avis, les décorations de 2016 étaient plus que chiches et les boutiques étaient tout sauf intéressantes, redites de grandes chaînes et magasins à touristes. Mais notre traversée du Mile nous a mené jusqu’à Navy Pier, notre destination suivante.
(8) Partie centrale de Chicago où toutes les lignes de métro se rejoignent et forment une boucle qui dessert le cœur de ville, d’où son nom.
(9) Franco-haïtien du XVIII° siècle ayant fondé le comptoir commercial à la frontière entre Etats-Unis et Canada qui deviendra rapidement la cité de Chicago. Longtemps oublié par les historiens, qui lui préférèrent John Kinzie, gestionnaire successeur du comptoir commercial qui avait l’énorme atout d’être, lui, blanc et anglo-saxon, il a finit par être reconnu comme fondateur de Chicago en 1968.

Cette jetée de plus d’un kilomètre de long a été construite au début du XX° siècle pour recevoir les bateaux de marchandise venant du Lac Michigan. Aujourd’hui c’est une sorte de parc d’attraction principalement occupé par des restaurants et des snacks au rez-de-chaussée et par des attrape-parents aux premier et deuxième niveau (10). Si l’intérieur ne présente qu’un intérêt fort relatif (sauf si vous êtes diabétique et suicidaire), les bords de la jetée offrent une vue magnifique sur le Lac Michigan, en particulier en hiver lorsque ses bords sont pris dans la glace. Le niveau supérieur (auquel on accède par un escalator à l’entrée du Pier, ne faites pas comme nous et ne vous perdez pas inutilement dans les coursives) possède une grande roue qui permet de profiter d’une très jolie vue sur les buildings de Chicago. Pour y accéder, vous passerez d’abord dans une sorte de serre tropicale ponctuée de gracieux jeux d’eau où la température ne vous menaçait pas de vous faire perdre deux ou trois orteils pour la blague…

(10) N’Y EMMENEZ PAS VOS ENFANTS, TOUT EST ATROCEMENT CHER, JE REPETE : TOUT EST ATROCEMENT CHER !!!
Petite aparté à propos de ces buildings d’ailleurs : ils sont très beaux… Ok, j’avoue, cette aparté est moisie, mais il faut savoir que je méprise l’architecture moderne, je vomis les buildings de béton et de verre et je suis réticent à l’esthétique des centre-villes de grandes citées. Pourtant, à Chicago, ville connue pour son goût pour les arts et l’architecture, les multiples (genre multipleSSSSSSS) commissions chargées de gérer l’espace urbain ont essayé (et réussi AMHA) à conserver une cohérence et une fluidité extraordinaire dans le visuel des buildings. Du coup, les immeubles les plus récents jouxtes sans les écraser les structures anciennes et les jeux de miroirs donnent l’illusion d’espaces ouverts alors que vous vous trouvez pourtant en plein cœur du Loop. Sincèrement, j’ai été bluffé… Et un peu déçu aussi, parce que j’adore râler…
Le soir tombant, nous avons couché le Pinpin et avons profité du reste de notre soirée en dégustant les spécialités fusion-food mexicano-américaines du Splanglish, étranges mais bon marché !
Le lendemain matin, Tata Moule ayant décidé de faire sa grosse snobinarde en allant visiter le Chicago Institute of Art (11), nous avons décidé de battre le pavé et d’aller chercher en ville les hauts lieux de l’ère Capone et de la Prohibition… Et bizarrement, la ville ne propose presque aucune information sur cette période de l’histoire, comme si les habitants de Chicago avaient honte (ou se désintéressaient, ce qui est aussi possible) de leur passé gangster. Suivant un itinéraire proposé par le Lonely Planet, nous avons quand même pu voir le Biograph Theater, où John Dillinger fût trahi par la Dame en Rouge et abattu par les agents du FBI dans l’allée jouxtant le cinéma (12), ainsi que les lieux du Massacre de la Saint-Valentin, où, le 14 février 1929, Al Capone assassina sept hommes de main de son rival Bugs Moran, signant la fin de la domination de la mafia irlandaise sur les quartiers nord de Chicago et l’hégémonie de la mafia italienne, menée par Capone, marquant de facto la fin de la sanglante guerre des gangs de Chicago des années 20. Le garage, situé au 2122 North Clark St et sur le mur duquel ont été aligné puis fusillé les mafieux irlandais, a été démoli en 1967 pour construire un parking. Donc je dois avouer que le visuel n’est malheureusement pas au niveau de l’intensité historique. Néanmoins, la visite du quartier de Lincoln Park est plutôt agréable, succession de maisons anciennes et d’immeubles de petite taille, très résidentiel et très calme, idéal pour une balade.
(11) Qui est un must-see, de l’avis même de Tata Moule, qui n’est pas si snobinarde que ça et qui est de très bon conseil quand il s’agit de visite culturelle… Nous, la culture, on la préfère dans notre assiette ^^’
(12) Ce tristement célèbre gangster était allé voir un film au cinéma avec sa compagne de l’époque et une amie à elle, qui se trouvait être en délicatesse avec les services de l’immigration. Vêtue d’une robe rouge (qui lui valu son nom dans la légende), c’est elle qui indiqua aux agents où se trouvait le gangster.
Au midi, nous avons jeté notre dévolu sur le restaurant Pizano’s pour goûter la spécialité locale : la deep dish pizza. Si Chicago est connue pour ses pizzas (13), la Deep Dish est vraiment quelque chose qu’on ne peut goûter qu’ici. Mixe entre la tarte et la pizza, cette spécialité est composée des mêmes ingrédients qu’une pizza normale, mais inversés : le fromage (abondant et constituant l’appareil de la « tarte ») est en dessous, les légumes, viandes et autres condiments sont en dessous. Si l’apparence est succulente à souhait pour qui aime les trucs gras et riches, l’impression sur le ventre après coup correspond à peu près à un machin gras et riche… Beuuuuuuuuuuuuuh… C’est comme donner un oignon trempé dans du caramel à un enfant en lui faisant croire que c’est une pomme d’amour : si ça peut être plaisant sur le moment, la culpabilité finira forcément par vous rattraper…
(13) Probablement l’influence italienne très discrète dans la ville…

Enfin, pour conclure notre visite de la ville, nous avons décidé de profiter du crépuscule naissant (14) pour découvrir le Millenium Park. Cet autre must-see de Chicago, sensé être ouvert pour les fêtes du Millénaire mais finalement ouvert en 2004 (les joies des travaux publics et des explosions de budget), est une vaste étendue verte (près de 100 000m²) au cœur du Loop, à proximité du Lac Michigan. Profitant des anciennes friches industrielles et ferroviaires de la ville, le maire de l’époque a lancé ce colossal chantier pour faire profiter à ses administrés d’un parc complet mais aussi d’une magnifique salle de concert en plein air et de sculptures modernes que certains, j’en suis sûr, apprécieront. La plus célèbre reste le Cloud Gate, aussi appelé le Haricot, sorte de grosse bouse d’alu poli où des flots narcissiques de touristes avides d’images d’eux mêmes viennent profiter de la réflexion de la surface pour se prendre en selfie avec leur reflet, ce qui est quand même un niveau d’égocentrisme qui bat des records… Bon, oui, moi aussi j’apparais dans un cliché déformé par cette façade oblique, mais c’est Piou qui m’a forcé, j’y suis pour rien ! Le Millenium Park fait partie d’un ensemble plus vaste appelé Grant Park et qui comprend d’autres jardins et aires de jeu, dont certaines étaient carrément démentielles (DES CHÂTEAUX !!! ET DES BALEINES !!! ET D’AUTRES CHÂTEAUX !!! WIIIIIIIIIIIZZZZZZZZ!!!!). D’ailleurs, deux patinoires vous ouvriront leur portes (et vous loueront leurs patins à prix d’or si vous n’avez pas les vôtres) dans le secteur : la première se trouve juste en contrebas du Cloud Gate, est bondée de monde et peuplée de gens qui s’y croient A FOND, l’autre est plus loin dans Grant Park, forme un ruban avec pentes montantes et descendantes et est nettement moins peuplée… Alors s’il vous prend l’envie de vous mettre en danger en vous mêlant à une foule maladroite armée de lames tranchantes aux pieds, vous savez ce que vous devez choisir… FUYEZ !

(14) Parce que le soleil se couche tôt, que la nuit vient vite, que le serveur était lent et que nous avons la temporalité contrariée…
Mais le temps file, le temps file, et déjà est venu le temps de reprendre la route, cette fois à bord du Lake Shore Limited, en direction de New-York.

Laisser un commentaire